Regard sur une histoire de L'Ile d'Olonne
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Depuis plusieurs siĂšcles lâemplacement oĂč se situe lâactuel pont de la Salaire, bien connu de tous, servait de passag
e pour rejoindre lâautre rive.
DĂ©jĂ en 1703 sur la carte de Claude Masse, un passage y Ă©tait mentionnĂ©, mais pourtant aucun pont nây figurait.
Mais comment, alors, le chenal de la Vertonne Ă©tait t'il franchit s'il n'y avait pas de pont ?
Et bien, chaque jour, les cultivateurs-sauniers faisaient la traverser pour rejoindre l'autre rive au moyen dâun bac qui leur permettait de se rendre sur leurs marais pour y tirer le sel de leurs salines, pour abreuver leurs marais Ă poissons, pĂȘcher, labourer leurs bossis quâil fallait emblaver, rapporter sur la « terre ferme » leurs rĂ©coltes de blĂ© froment, leur sel, leur foin.
La seigneurie de la Cour de LâIle (L'Ile-d'Olonne) possĂ©dait le bac en question et celui-ci n'Ă©tait pas gratuit. La Cour de L'Ile rĂ©clamait comme impĂŽt dĂ» pour l'utilisation de la barque six deniers par an et par aire salante et autant par journĂ©e de bossis labourable (la monnaie sous lâancien rĂ©gime Ă©tait composĂ©e de livres, de sols et de deniers : une livre valait 20 sols et un sol valait 12 deniers).
Le bac de la Cour de LâIle Ă©tait fort commode puisquâil permettait aux Brardants et aux Salairants dâaccĂ©der directement Ă leurs salines et ainsi dâĂ©conomiser un dĂ©tour de plusieurs kilomĂštres car les deux autres passages pour traverser la Vertonne se situaient, soit Ă Champclou par le pont, soit Ă la GachĂšre par le bac et le guĂ©.
Au milieu du XVIIIĂšme siĂšcle des disputes sâĂ©levĂšrent car le bateau nâĂ©tait plus suffisant pour le service journalier des particuliers. Le premier venu sâemparait du bateau et lâemmenait de lâautre cĂŽtĂ© et celui qui venait ensuite ne pouvait sâen servir aussi promptement quâil le dĂ©sirait. Le danger par mauvais temps inquiĂ©tait aussi les utilisateurs qui sâen allaient en dĂ©rive et les exposait Ă pĂ©rir.
LA CONSTRUCTION D'UN PONT EN 1758
Mais une solution est trouvée.
Pour remĂ©dier Ă ces dangers et Ă ces abus, le seigneur de LâIle dâOlonne, Messire Julien Gallouin, fit construire Ă ses propres frais un pont Ă lâemplacement du passage du bac dans lâannĂ©e 1758. Ce pont Ă©tait de bois soutenu par quatre piliers de pierres de taille. Il pouvait ĂȘtre empruntĂ© par les propriĂ©taires et les cultivateurs-sauniers autrefois habituĂ©s Ă faire la traversĂ©e en bac moyennant quâils continuent de payer le mĂȘme tarif quâautrefois.
Les utilisateurs du pont acceptĂšrent de continuer Ă payer ladite somme au seigneur de la Cour de LâIle par acte notariĂ© du 7 dĂ©cembre 1783, pourvu quâil continue dâentretenir ledit pont Ă ses propres frais.

Peu de temps aprĂšs cet acte, la rĂ©volution et les Ă©vĂ©nements de la guerre de VendĂ©e commencĂšrent et nous savons quâĂ partir de cette pĂ©riode peu dâengagements et de projets ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s dans notre pays oĂč tout sâarrĂȘta subitement.
Pour en donner un exemple, ce fut le cas du projet de crĂ©ation du canal de la BauduĂšre qui, aprĂšs avoir Ă©tĂ© abandonnĂ© une premiĂšre fois en 1678 faute de finances, avait Ă©tĂ© relancĂ© avec beaucoup dâambition en 1774. Le temps nĂ©cessaire Ă lâĂ©laboration sĂ©rieuse de ce projet et la pĂ©riode de guerre civile qui allait bientĂŽt arriver retarda dâencore cent ans sont achĂšvement. Celui-ci fut rĂ©alisĂ© seulement en 1870 ...
... mais revenons Ă notre pont ...
Pour lâentretien du pont de la Salaire il en fut sĂ»rement de mĂȘme, car le Seigneur Gallouin disparu de LâIle dâOlonne en 1792 et ce nâest quâen 1829 quâon entend Ă nouveau parler du Pont :
Le 16 Juillet 1829, la commission syndicale des marais du havre de la GachÚre se réunit pour délibérer entre autres des travaux de reconstruction du pont de la Salaire dont les plans ont été dressés par Augereau, constructeur des ponts et chaussées.
Nous ne savons pas si ces travaux de reconstruction ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s mais cela prouve que le pont se trouvait, Ă ce moment-lĂ , dans un Ă©tat de dĂ©labrement avancĂ©. Le Seigneur Gallouin, parti en exil en Belgique au moment des troubles civils, nâaurait-il finalement jamais entretenu son bien malgrĂ© lâacte du 7 dĂ©cembre 1783 ?
En tout cas, dans les annĂ©es 1890 le pont menace toujours ruine. AprĂšs avoir Ă©chouĂ© en tentant dâobtenir de lâaide urgente auprĂšs des communes de LâIle dâOlonne et dâOlonne, le syndicat des marais de la GachĂšre convainc les propriĂ©taires qui ont absolument besoin du pont, de sâorganiser entre-eux pour le sauver.
Câest ainsi quâils se rĂ©unissent au nombre de 34 Ă la mairie de LâIle dâOlonne le 22 mai 1899. Lâassociation syndicale du pont de la Salaire, qui vient de voir le jour, entretiendra tant bien que mal lâouvrage pour maintenir son usage jusquâĂ ce que soient validĂ©es, fin 1934, des subventions importantes par les deux communes concernĂ©es. En ajoutant une participation financiĂšre des 34 propriĂ©taires qui ont besoin du pont, celui-ci est durablement reconstruit et achevĂ© en juillet 1935.

Depuis, des travaux de restauration eurent lieu en 1980 mais le tablier du pont se trouvait Ă nouveau, en 2015, dans un Ă©tat proche de lâeffondrement.
LâagglomĂ©ration des Sables dâOlonne a entrepris en 2018 un trĂšs gros chantier de reconstruction qui dura plus de six mois. La volontĂ© Ă©tait de le reconstruire en conservant son aspect fidĂšle. Les piliers de pierres de taille ont Ă©tĂ© dĂ©montĂ©s pierre par pierre et maçonnĂ©s avec les mĂȘmes matĂ©riaux.

Ce monument local fait aujourdâhui la fiertĂ© des usagers des marais du pays dâOlonne, des habitants de la Salaire, de la BrardiĂšre et de tous les adeptes des promenades apaisantes que nous procure le calme de nos marais millĂ©naires.

DES TROUVAILLES ARCHĂOLOGIQUES
Les travaux de 2018 ont permis de mettre au jour les vestiges de poutres de bois soutenant la fondation de lâentrĂ©e ouest du pont ainsi quâun boulet de canon enfoui Ă deux mĂštres de profondeur dont l'origine nous intrigue. Ce boulet de canon de type explosif daterait du XVIIIĂšme siĂšcle. Or les archives sont nombreuses Ă cette Ă©poque pas si lointaine. Elles ne nous apprennent pas qu'il puisse y avoir eu des combats Ă cet emplacement.
Un moulin se situait à la Salaire, proche du pont derriÚre l'ancienne caserne des douanes (lieu-dit qui se nomme encore aujourd'hui "la caserne"). Ce moulin a disparu pendant la guerre civile révolutionnaire. Aurait-il été détruit par la force des canons ? Aucune trace écrite pour le moment n'a été retrouvée mais cette possibilité expliquerait la découverte du boulet de canon.


A trĂšs bientĂŽt si vous le voulez bien.
Recherches Hisla Ad Marchas.
Sources : Jean Luc Narcy, Camille Richard, archives départementales de la Vendée, archives du syndicat des marais de la GachÚre, archives du syndicat du pont de la Salaire, cadastre napoléonien section
de la Salaire 1830, carte de Claude Masse 1703
Remerciement : Christian Bougis de la Salaire
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